Le protectionnisme a-t-il parfois des avantages pour les investisseurs?

Protectionnisme : il faut l'avouer, ce mot est omniprésent de nos jours. Mais que signifie-t-il, exactement? Quelle est l'incidence du protectionnisme sur l'économie? Les investisseurs devraient-ils s'en préoccuper? Voyons ce qui en est.

En gros, il s'agit de l'imposition, par un gouvernement, de mesures commerciales visant à protéger l'économie de son pays contre la concurrence étrangère. Ces mesures peuvent comprendre des droits de douane sur les importations, des quotas, ainsi que des subventions à l'exportation.

Quelle est l'incidence du protectionnisme sur les investisseurs? Nous avons demandé à Eric Lascelles, économiste en chef, RBC Gestion mondiale d'actifs (RBC GMA) de nous éclairer sur le sujet.

Bien qu'il existe des façons pour les investisseurs de tirer un certain parti du protectionnisme, ce dernier entraîne généralement plus de désavantages que d'avantages, dit-il. Le bon côté, c'est qu'il permet parfois aux investisseurs de tirer profit de sociétés favorisées par les entraves commerciales, comme celles qui prospèrent en cas de concurrence étrangère absente ou restreinte au sein de leur marché national. Dans l'ensemble, toutefois, le protectionnisme a plutôt tendance à freiner l'économie et le marché boursier d'un pays.

« Il fait habituellement plus de perdants que de gagnants, surtout du côté des grandes sociétés parmi lesquelles figurent beaucoup de multinationales auxquelles le protectionnisme nuit dans une certaine mesure », dit M. Lascelles.

Il fait remarquer que le protectionnisme a souvent entravé l'économie. Il donne en exemple la fin de 2018, marquée par de vives inquiétudes entourant le commerce et par un fléchissement des marchés boursiers, ainsi que mai 2019, lorsqu'un recul des actifs à risque a été enregistré. Il indique qu'à ces deux occasions, les marchés se sont redressés principalement grâce à d'autres facteurs comme les politiques monétaires et la poursuite de la croissance économique.

« Le protectionnisme n'est certes pas le seul facteur à considérer, dit M. Lascelles, mais toutes choses étant égales par ailleurs, il a bel et bien une certaine incidence négative. »

La montée du protectionnisme

Le concept de protectionnisme n'est pas nouveau, mais il a gagné du terrain aux États-Unis après l'élection de Donald Trump, qui avait promis la mise en œuvre d'importantes réformes commerciales. Sous la présidence de M. Trump, les mesures protectionnistes des États-Unis ont principalement visé le Mexique, la Chine, l'Allemagne et le Japon, soit les pays présentant les plus importants excédents commerciaux avec les États-Unis.

Les échanges commerciaux avec la Chine, en particulier, représentent 61 % du déficit commercial du pays de l'oncle Sam. Le Mexique, l'Allemagne et le Japon sont bien loin derrière la Chine, tandis que le Canada ne contribue pas de manière notable au déficit commercial des États-Unis, mentionne M. Lascelles.

Selon ce qu'il affirme dans un rapport spécial de RBC GMA intitulé « Une introduction au protectionnisme », les États-Unis ont concentré leurs efforts protectionnistes sur la renégociation de l’ALENA, l'imposition de divers tarifs généraux sur des produits comme l'acier et l'aluminium, ainsi que le remaniement de leurs relations avec la Chine.

Quelle est l'incidence des droits de douane sur l'économie d'un pays?

Les droits de douane sur les importations — la mesure protectionniste la plus couramment utilisée — peuvent avoir des répercussions positives et négatives, selon M. Lascelles. Puisque les droits de douane constituent essentiellement une taxe sur les importations, ils permettent d'augmenter les recettes publiques tout en aidant à écarter la concurrence étrangère. Les entreprises nationales peuvent ainsi obtenir une plus grande part de marché, souligne-t-il.

Il soutient toutefois que les bienfaits sont plus qu'annulés par les répercussions négatives. Le principal désavantage de ces droits? Ils font augmenter les prix des biens.

M. Lascelles relève également un certain nombre d'inconvénients économiques associés au protectionnisme, notamment :

• moins de choix, alors que moins de produits sont offerts sur le marché;
• moins de spécialisation, les entreprises nationales devant privilégier les besoins que les entreprises étrangères ne peuvent plus satisfaire;
• une devise plus forte pour le pays qui impose des droits de douane, puisque le taux de change reflète l'avantage concurrentiel perçu d'un pays par rapport à un autre;
• l'endommagement des chaînes logistiques mondiales, les droits de douane ayant une incidence sur les partenaires commerciaux au-delà des frontières.

Selon M. Lascelles, le ralentissement actuel de la croissance du commerce mondial souligne bien les torts causés par le protectionnisme.

Il ajoute que, bien que le protectionnisme soit actuellement un sujet pertinent pour les investisseurs, il ne s'agit que de l'un des nombreux facteurs à prendre en considération.