Réflexions : Mon rapport à l'argent est-il bizarre?

Quand j'étais jeune, mes parents ne m'ont jamais parlé de leur situation financière. Ce n'est pas étonnant, compte tenu des difficultés qu'ils ont connues en tant qu'immigrants – à deux reprises. J'ai intégré cette réticence. Et elle s'est renforcée au fil des années au contact de camarades et de collègues eux aussi très discrets au sujet de l'argent. J'ai appris que l'argent est une chose dont on ne parle pas. Sans vraiment m'en rendre compte, j'ai adopté ce point de vue et je m'y suis tenue fermement pendant des années.

Puis, à la fin de la vingtaine, je me suis fait une nouvelle amie. Appelons-la Lisa.

Lisa est drôle, intelligente et dynamique. Elle a aussi pour caractéristique de parler ouvertement de sa situation financière. Je suis au courant de son salaire dans les six chiffres, de la grosse prime qu'elle a touchée récemment, du montant du prochain versement à effectuer sur son immeuble de placement, ainsi que des gains et des pertes substantiels qu'elle a enregistrés en bourse. À chaque nouvelle découverte, il m'a fallu un effort pour garder la mâchoire et les sourcils immobiles – et ainsi éviter de révéler mon état d'ahurissement total.

Au début, j'étais persuadée que c'était Lisa qui avait un comportement bizarre relativement à l'argent. Après tout, si, comme je le croyais, parler de sa situation financière sans retenue est une maladresse, que dire d'une personne qui fait étalage de ses succès financiers? J'avais l'impression d'assister à un suicide social. Lisa ne semblait avoir aucun tabou en cette matière, et sa franchise avait souvent pour effet de lancer des conversations sur la rémunération, l'épargne, les dépenses et les placements – des conversations qui n'auraient jamais eu lieu autrement. En apprenant à mieux connaître Lisa, je me suis mise à voir son franc-parler comme un trait de caractère bizarre, mais contrebalancé par de nombreuses qualités. Bien que peu banale, cette différence entre nous n'a pas eu raison de notre amitié.

Cela dit, tout récemment encore, je devenais mal à l'aise chaque fois qu'elle parlait d'argent. J'affichais un sourire forcé, je hochais la tête mécaniquement et j'attendais que le moment passe. Et puis il y a eu un changement, dernièrement, à l'occasion d'un repas entre amis. Resplendissante de fierté, Lisa a annoncé au groupe qu'elle avait obtenu, au cours de la semaine, une promotion accompagnée d'une augmentation substantielle (dont elle a précisé le montant, naturellement). J'ai senti un profond malaise m'envahir avant même qu'elle ne finisse de prononcer le mot « promotion ».

« J'admire ta franchise au sujet de l'argent, a lancé une amie commune. Je ne comprends pas pourquoi nous ne sommes pas tous plus ouverts sur cette question. L'argent est un sujet central dans notre vie. Je te félicite! »

Ce jour-là, j'ai compris. À ce moment précis, j'ai réalisé qu'il n'y a peut-être rien d'étrange au fait de parler de notre situation financière – car cette situation influe sur pratiquement tout ce que nous faisons dans une journée. J'ai commencé à réaliser que c'était peut-être moi qui agissais étrangement en évitant systématiquement le sujet. Comme s'il y avait une tirelire grosse comme un éléphant dans la pièce et que je faisais semblant de ne pas la voir...

Je ne prétendrai pas avoir atteint un niveau d'ouverture s'approchant même de loin de celui de Lisa. Mais depuis cette révélation, je m'efforce de parler plus ouvertement de ma situation financière et de mon nouvel intérêt pour les placements. Il m'arrive maintenant d'avouer avoir trop dépensé au cours du mois, de discuter de mes trucs pour épargner ou de comparer avec d'autres mes notes de planification. Le changement ne s'est pas fait sans difficulté, mais il a valu le coup. J'ai énormément appris.

Les rédacteurs de l'équipe « Investisseur inspiré » de RBC Placements en Direct publient régulièrement des articles sous la rubrique Réflexions.