Le Canada navigue en eau inconnue
Rédigé par LES SERVICES ÉCONOMIQUES RBC | Publié le 26 mars 2020
Rédigé par LES SERVICES ÉCONOMIQUES RBC | Publié le 26 mars 2020
(L'article qui suit a été publié par les Services économiques RBC le 27 mars 2020.)
Au début de mars, nous avons publié des prévisions qui anticipaient une chute rapide, mais brève de l'activité économique canadienne. La propagation de la COVID-19, l'imposition de mesures de distanciation sociale et l'effondrement des prix du pétrole nous incitent à revoir l'ampleur et la durée de cette baisse d'activité. L'économie est déjà entrée dans une profonde récession qui devrait rivaliser la pire année de la Grande Récession, à notre avis. La pression exercée sur l'économie sera généralisée, et le secteur des services sera frappé par un bouleversement de la demande en raison de la distanciation sociale qui confine les consommateurs et les travailleurs à la maison. Dans le secteur économique de la production de biens, la perturbation des chaînes d'approvisionnement et l'effondrement du secteur de l'énergie exercent d'autres pressions baissières sur la croissance. Aucune province ne sera épargnée. Certaines provinces comme l'Ontario et le Québec ont interrompu toutes les activités, à l'exception des services essentiels, et les provinces productrices de pétrole comme l'Alberta souffrent du choc additionnel de la forte baisse des prix de l'énergie.
Les intervalles de confiance réalistes des prévisions économiques du moment sont exceptionnellement grands, et beaucoup de choses dépendent de l'ampleur du succès des mesures de distanciation sociale pour enrayer la propagation du virus. À ce moment-ci, nous pensons qu'il est raisonnable de prévoir une baisse de 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) du Canada pour l'année, ce qui comprend un déclin au deuxième trimestre qui éclipsera les autres baisses survenues depuis les années 1960 tout au moins. Le taux de chômage augmentera en même temps. En effet, le taux actuel a probablement déjà atteint les 10 %, et nous nous attendons à ce qu'il dépasse les 11 % mensuellement, niveau qu'il atteindra peut-être dès le mois d'avril.
La Banque du Canada et les gouvernements ont réagi rapidement à la crise et ont dévoilé une vaste gamme de politiques visant à aider les entreprises et les travailleurs à survivre à la tempête. D'autres mesures sont toutefois nécessaires, et nous nous attendons à ce que la Banque du Canada réduise encore son taux directeur et adopte un programme d'achat d'actifs à grande échelle, appelés aussi « assouplissement quantitatif », un outil encore inutilisé au Canada. Étant donné la gravité des perturbations du marché financier, la banque commencera probablement par acheter des obligations provinciales et du gouvernement canadien. On s'attend à ce que les gouvernements dévoilent d'autres programmes pour aider les entreprises à demeurer solvables et les travailleurs à retrouver leurs emplois après la crise.
La distanciation sociale, que tous les experts considèrent comme étant essentielle pour sauver des vies et prévenir la propagation de la COVID-19, constitue un choc inégalé pour tous les pays. Beaucoup d'entreprises du secteur des services qui jouaient le rôle de « tampons économiques » en cas de récession seront fortement touchées par la distanciation sociale. L'effet combiné de la chute de l'activité du secteur des services et du choc pétrolier, d'une part, et des remous causés par le ralentissement de la demande mondiale et les perturbations des chaînes d'approvisionnement qui toucheront le secteur industriel, d'autre part, signifie que nous nous dirigeons vers une période d'affaiblissement sans précédent de l'activité économique. Une partie de cette activité perdue reprendra assez rapidement dès la réouverture des écoles et des autres entreprises. Plus importants seront les efforts déployés d'un point de vue politique pour combler l'écart et aider les travailleurs et entreprises à traverser les prochains mois, plus rapidement pourrait revenir la croissance. En réalité, la durée inconnue de l'effet du virus et les craintes permanentes de reprise de l'épidémie rendent peu probable un retour rapide à la normale.
Le secteur des services sert habituellement de tampon lors d'un ralentissement économique. La plupart des récessions commencent par une baisse du secteur des biens, et les répercussions de la diminution des dépenses des travailleurs mis à pied dans ce secteur expliquent une part importante du recul de l'activité du secteur des services. Lors de la récession de 2008-2009, par exemple, les emplois du secteur des biens ont diminué de près de 8 % du sommet au creux. Dans l'ensemble, les emplois au sein des entreprises privées productrices de services ont chuté de 1,7 %. L'emploi dans le secteur du commerce de détail a perdu environ 2 %. Les emplois liés aux services d'hébergement et de restauration ont diminué davantage, soit de 5 %, mais moins que les emplois du secteur des biens. Toutes ces mises à pied sont survenues au fil du temps et étaient échelonnées sur une année environ.
Cette fois, la situation est très différente. Les mesures de distanciation sociale entraînent la fermeture de grands pans du secteur des services. Selon nos calculs, la forte baisse de l'activité dans quatre secteurs seulement – l'éducation, le commerce de détail, les services d'hébergement et de restauration, et les arts et le divertissement – pourrait provoquer une chute du PIB comparable au recul de 8,7 % enregistré dans l'ensemble de l'économie en 2009. La diminution de la demande mondiale, la perturbation des chaînes d'approvisionnement et la chute des prix du pétrole à l'échelle mondiale entraîneront aussi un effondrement des secteurs producteurs de biens. Sans atténuation marquée et inattendue de la propagation du virus, l'économie canadienne se dirige vers un recul à deux chiffres du PIB au deuxième trimestre de l'année en cours. Nous prévoyons maintenant une chute de 18 % du PIB au deuxième trimestre. Ce pourcentage pourrait sous-estimer le recul si le nombre de nouveaux cas d'infection ne diminue pas assez rapidement.
Le secteur canadien de l'énergie ne souffre pas seulement de la chute de la demande en raison de la réduction de l'activité au pays et à l'étranger attribuable au virus, mais aussi de la guerre de prix qui a éclaté au début de mars. L'effet combiné a poussé les prix à la baisse d'environ 50 % sur deux semaines. Le bas niveau des prix accentuera les pressions baissières exercées sur l'industrie qui se rétablissait à peine du grave ralentissement de 2015-2016. Les activités de placement ont déjà diminué considérablement, et toute perspective de rebond en 2020 a été écartée en raison des réductions importantes des budgets d'investissement par les entreprises. La faiblesse des prix du pétrole et la vigueur du dollar américain ont fait dégringoler la devise canadienne sous les 70 cents américains. Même après l'apogée de l'effet du virus, la faiblesse des prix du pétrole continuera probablement de plomber la devise canadienne.
L'incidence sur le marché du travail sera aussi considérable et elle ne ressemblera à rien de ce que nous avons vu au Canada jusqu'à présent. Ce recul du marché du travail est déjà bien commencé. La plus grande hausse du taux de chômage en un mois au Canada était d'un point de pourcentage et remonte à la récession économique des années 1980. Le premier ministre Trudeau a annoncé que 500 000 demandes d'assurance-emploi ont été déposées la semaine dernière, ce qui laisse entrevoir une hausse de plus de deux points de pourcentage en une seule semaine. Le taux de chômage a probablement déjà dépassé les 10 % au Canada.
Les entreprises du secteur des services qui sont les plus touchées par la distanciation sociale emploient surtout des travailleurs rémunérés à l'heure. Environ 90 % des travailleurs des secteurs du commerce de détail et des services d'hébergement et de restauration sont rémunérés à l'heure. Ce nombre est d'environ 80 % dans le secteur des arts et du divertissement. Une part plus élevée de travailleurs du domaine de l'éducation sont salariés, et les enseignants sont toujours rémunérés dans l'ensemble actuellement. Certains secteurs pourraient voir une création d'emplois comme les services de messagerie, en raison de la hausse des achats en ligne, les épiceries et les fabricants de produits alimentaires. De nombreux emplois abolis au début du ralentissement se trouvent dans la partie inférieure de l'échelle salariale. En d'autres termes, ce sont les travailleurs les plus vulnérables qui subiront les contrecoups des perturbations du marché de l'emploi.
La lueur au bout du tunnel est que la distanciation sociale a fondamentalement pour but de faire accepter des difficultés économiques et sociales à court terme pour maîtriser la propagation du virus. Nous avons constaté l'efficacité de telles mesures dans d'autres régions du monde (Chine continentale, Hong Kong, Corée du Sud, etc.). Nous nous attendons à voir un allègement du ralentissement économique dès la maîtrise du virus et l'assouplissement des mesures de distanciation sociale. Si le mantra de la distanciation sociale est « aplanir la courbe », le mantra économique devrait être « combler l'écart ». Tant que les entreprises pourront affronter la tempête à court terme, il se peut qu'une part importante des employés mis à pied soient réembauchés assez rapidement, assurément dans des secteurs comme l'éducation (en raison du retour des élèves à l'école). La reprise prendra plus de temps dans d'autres secteurs. Le tort causé à la psyché des ménages et les craintes de récurrence de l'épidémie de virus signifient qu'il est plus probable pour certains secteurs – comme ceux du commerce de détail, des services d'hébergement et de restauration, et des arts et du divertissement – de voir une lente reprise plutôt qu'un rebond marqué.
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