L’époque d’avant la pandémie vous manque? Enlevez vos lunettes roses!
Rédigé par Tamar Satov | Publié le 9 juin 2021
Rédigé par Tamar Satov | Publié le 9 juin 2021
Plus d’un an après le début de la pandémie, vous regrettez peut-être l’époque d’avant la crise. Toutes sortes de souvenirs peuvent nourrir cette nostalgie – des fêtes aux vacances, en passant par les conversations avec des collègues autour de la machine à café.
Ce phénomène ne surprend aucunement l’auteur David Berry, d’Edmonton, qui traite dans son plus récent livre (On Nostalgia) de l’histoire et des effets culturels des souvenirs nostalgiques. M. Berry présente des recherches qui démontrent que les « déclencheurs » les plus courants de la nostalgie sont les émotions négatives – dont la solitude, la colère, la peur et l’ennui –, qui sont probablement plus fréquentes ces temps-ci.
Selon l’auteur, nous sommes particulièrement sujets à la nostalgie lorsque notre sens de l’identité est menacé. « Si vous ne pouvez plus faire la plupart des choses qui vous donnent un sentiment d’identité, et que vous n’avez aucune idée de ce à quoi ressemblera l’avenir, la nostalgie est absolument critique. C’est un moyen de se raccrocher à nous sommes. »
Mais bien que ce réflexe humain puisse être réconfortant – non seulement en procurant un sentiment d’identité, mais aussi en suscitant des émotions douces qui peuvent temporairement améliorer notre humeur –, la nostalgie est une épée à deux tranchants qui peut parfois nous faire sombrer dans le désespoir.
« Parfois, ce saut dans le passé nous paralyse, dit David Berry. Nous avons tous vu des gens prisonniers du passé, qui sont continuellement en train d’évoquer le bon vieux temps. Mais si vous ne regardez pas devant vous, vous risquez de trébucher. »
Si la nostalgie vous fait trébucher en vous apportant plus de tristesse que de réconfort, il faut prendre conscience que vos journées d’avant la COVID-19 n’étaient probablement pas aussi formidables que dans vos souvenirs. En effet, on sait que la mémoire est peu fiable – tant sur le plan des souvenirs que nous avons tendance à conserver, que sur le plan de la précision des souvenirs eux-mêmes.
Fonctionnement de la mémoire
Nos expériences doivent comporter un certain degré d’émotion ou de sens pour que notre cerveau les retienne; c’est pourquoi nous oublions la plupart des détails ennuyeux et insignifiants de notre quotidien, explique David Berry. Plus une expérience est empreinte de sens ou d’émotion, plus elle nous reviendra souvent à l’esprit, ce qui aura tendance à la fixer dans notre mémoire. Par ailleurs, mis à part les événements traumatisants qui mobilisent nos pensées sous forme de trouble de stress post-traumatique, nous avons tendance à évoquer des souvenirs généralement agréables, ce qui explique pourquoi ce sont ceux qui perdurent habituellement. (Par exemple, les fortes hausses du marché sont tellement plus agréables à retenir que les petites baisses, n’est-ce pas?)
Mais aucun de nos souvenirs – bons ou mauvais – n’est immuable. Presque chaque fois que nous nous rappelons quelque chose, notre cerveau réécrit légèrement le souvenir. « Nous ne le faisons pas consciemment, mais nous changeons subtilement notre souvenir », dit M. Berry.
En effet, des recherches effectuées sur la mémoire des événements marquants – comme les attaques terroristes du 11 septembre – ont montré que les souvenirs se transforment sensiblement au fil des mois et des années – et que souvent, ils ne correspondent pas exactement à la réalité « objective » que nous montrent les preuves vidéo.
« Les gens peuvent inconsciemment s’approprier des souvenirs de leurs amis, ou encore des événements qu’ils ont vus dans les médias, et imaginer leur réaction lors de ces événements; tous ces éléments finissent par se confondre dans leur mémoire », explique David Berry. La même chose se produit dans le cas des souvenirs interpersonnels; c’est pourquoi frères et sœurs ont souvent des souvenirs très différents des moments partagés de leur enfance, ajoute-t-il.
Que peut-on en conclure?
Si vos rêveries nostalgiques vous réconfortent, vous n’avez pas à vous soucier de leur exactitude.
« Quand je m’ennuie des sorties au cinéma, je ne pense pas aux gens qui me bloquent parfois la vue, ni à tous les mauvais films que j’ai vus. Consciemment ou non, j’efface les aspects désagréables de mon expérience, parce que j’ai besoin de me souvenir d’un bon moment qui m’a plu et qui était important pour moi, dit David Berry. « Tant que vous n’allez pas trop loin dans cette voie, c’est réconfortant et ça vous donne un sentiment d’identité. »
Mais si vos souvenirs d’une époque plus heureuse vous amènent à vous concentrer négativement sur ce qui vous manque en ce moment, il serait utile de considérer la « réalité globale » de vos expériences prépandémiques. Bien sûr, vous pouvez vous ennuyer de la camaraderie qui règne au bureau, mais vous ennuyez-vous vraiment de la navette quotidienne stressante et de ce collègue agaçant qui parle trop fort au téléphone toute la journée?
« Essayez de vous concentrer sur ce que vous gagnez en étant à la maison – comme passer plus de temps avec vos enfants ou avec votre partenaire –, et non sur ce qui vous manque », dit M. Berry. Par exemple, en raison de la pandémie, certains investisseurs ont l’occasion de se concentrer davantage sur les occasions qui s’offrent à eux. Quoi qu’il en soit, David Berry reconnaît qu’il est difficile de prendre du recul par rapport à ses pensées du moment.
De toute façon, vous pouvez vous consoler en vous disant qu’une fois la pandémie passée, vous verrez probablement cette période à travers des lunettes roses. David Berry donne un exemple : « La Grande Dépression a été terrible, mais les gens s’en souviennent comme d’une période de solidarité. Après un certain temps, vous vous souviendrez moins des désagréments, et davantage des petites joies. »
Voyez-vous le passé à travers des lunettes roses? Qu’avez-vous pensé de ce point de vue sur la mémoire et la nostalgie? Laissez un commentaire* pour proposer vos choix.
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