Malala Yousafzai nous livre ses réflexions sur le militantisme, l'autonomisation et l'ambition

Le jour où la directrice de son école l'a convoquée en pleine classe de chimie, Malala Yousafzai a cru qu'elle avait fait quelque chose de mal tant la situation était inhabituelle.

C'est ainsi que Malala, qui n'avait alors que 17 ans, a appris qu'on lui avait décerné le prix Nobel de la paix 2014 aux côtés de Kailash Satyarthi pour leur combat contre l'exploitation des enfants et leur engagement en faveur de leur droit à l'éducation. Elle avait été victime d'une tentative d'assassinat à peine deux ans plus tôt en raison de sa campagne pour la scolarisation des jeunes filles au Pakistan.

« Je ne savais pas comment réagir, raconte Malala, alors j'ai simplement dit “merci”. »

Si elle avait alors du mal à trouver les mots, cette distinction l'a confortée dans sa démarche et a envoyé un message fort aux jeunes du monde entier.

« C'est un message qui s'adresse aussi bien aux filles qu'aux garçons, explique-t-elle. Tous peuvent contribuer à rendre ce monde meilleur, quels que soient leur sexe et leurs origines. Tous ont la possibilité d'apporter une contribution positive dans la société, de militer pour la paix et d'être un artisan du changement. » « Jamais je n'aurais pensé remporter le prix Nobel de la paix, affirme-t-elle. Ce prix me tient à cœur pour plusieurs raisons, mais surtout parce que le rôle des femmes dans l'histoire a longtemps été occulté. »

Aujourd'hui âgée de 24 ans et récemment diplômée de l'Université d'Oxford, elle continue de militer pour l'égalité et l'éducation des jeunes filles et des femmes. Le Fonds Malala, organisme de défense des droits à l'éducation qu'elle a fondé en 2013, a investi plus de 22 millions de dollars pour dénoncer les politiques interdisant la scolarisation des jeunes filles. Elle possède également une société de production et a noué un partenariat avec Apple pour produire du contenu destiné aux jeunes femmes de couleur.

Voici huit extraits intéressants tirés de l'allocution de Malala lors de l'événement organisé par RBC pour la Journée internationale des femmes cette année.

Faire face à l'adversité

Le fait d'être confrontée au terrorisme et d'être privée de ses droits fondamentaux à 11 ans a révélé à Malala des inégalités flagrantes dans la société. « On me discriminait simplement parce que j'étais une fille, ce qui m'a fait prendre conscience qu'il y a beaucoup de choses pour lesquelles il faut se battre afin qu'on nous traite sur un pied d'égalité. »

« Il n'y a ni bonne ni mauvaise façon de faire, répond Malala lorsqu'on lui demande où elle trouve sa force. Je pense que les situations que l'on traverse nous rendent plus résilients. »

Maintenir le cap lorsque le combat à mener semble immense

Malala admet que son travail de militantisme et de défense des droits n'est pas de tout repos et qu'il y a des moments où il est épuisant. « Vous répétez sans cesse la même chose, dit-elle. Tout vous paraît cohérent et logique. Pourquoi ne pas investir dans l'éducation des filles? Pourquoi la pauvreté sévit-elle encore de nos jours? Pourquoi sommes-nous confrontés à une crise climatique? Pourquoi personne n'agit? »

Elle considère que ces émotions sont normales et se dit que le fait de cesser son travail de sensibilisation lui fait plus peur que ces petites frustrations. « Je ne veux jamais abandonner, et j'espère ne jamais avoir à faire face à une situation qui m'obligerait à mettre un terme à ma mission », confie-t-elle. Aux autres personnes confrontées à un sentiment de frustration dans leur combat, Malala suggère de saisir l'occasion d'apprentissage qui se présente. « Faites une pause et prenez un peu de recul. Mais ne vous arrêtez jamais, sinon, votre mission s'arrêtera là elle aussi. »

Le soutien des hommes

« Je suis vraiment reconnaissante que mon père ait conscience de l'importance de soutenir les femmes, ajoute-t-elle. Il s'agit parfois de savoir rester en retrait et de laisser la place aux femmes. »

Malala se souvient du moment où les voix ont commencé à s'élever au Pakistan, lorsque les talibans ont annoncé que l'éducation des filles était désormais interdite. Beaucoup de filles se sont élevées contre cette décision, se souvient-elle, y compris des camarades de classe et des amies. Mais leurs frères et leurs pères les ont fait taire.

« J'insiste toujours sur le fait qu'il n'y a rien de spécial dans mon parcours; la seule différence est que mon père ne m'a pas arrêtée. Je suis convaincue que les femmes peuvent accomplir beaucoup de choses si les hommes – fils, frères, pères – les laissent s'épanouir. »

Le mentorat

« La plupart des gens savent reconnaître une injustice et une situation problématique, poursuit Malala. Je suis en quête permanente de mentorat, car il arrive que l'on doute, que l'on se décourage. Il est très important de solliciter différents points de vue pour pouvoir comprendre les raisons qui motivent les personnes opposées à un point de vue en particulier. »

L'autonomisation et l'éducation des femmes

« J'ai compris dès mon plus jeune âge que l'éducation revêtait un caractère particulier et qu'elle devait être source d'autonomie, dit-elle, puisque les talibans en avaient peur. »

« Les femmes éduquées ont le pouvoir de faire évoluer la société et de faire reculer le patriarcat et la misogynie. »

L'importance de rêver grand

« La société nous dit qu'en vieillissant, on doit renoncer à ses rêves les plus fous, souligne Malala. Il faut que cette situation change. »

Elle suggère d'ignorer ce genre de discours qui nous retient de nourrir des rêves ambitieux et de rester optimiste.

« La petite Malala de 10 ans a cru à la magie et à la possibilité de changer le monde. Croyez en cette version de vous-même », conclut-elle.