L'achat local : est-ce toujours la meilleure stratégie?

Pas de doute, l'idée est attrayante. Cuisiner (et manger!) un repas préparé exclusivement avec des ingrédients cultivés à moins de 300 km à la ronde est un geste à la fois vertueux et positif pour la collectivité, sans compter que la fraîcheur est immanquablement au rendez-vous. Voilà où j'en étais dans mes réflexions quand j'ai décidé de concocter un souper fait uniquement d'ingrédients produits dans un rayon de 300 km. Le projet paraissait ambitieux, mais réalisable. Je me procurerais mes ingrédients dans des marchés fermiers et des magasins qui vendent des fruits et légumes cultivés localement (c'est-à-dire en Ontario en ce qui me concerne). Je planifierais mon menu avec soin et remplacerais les aliments provenant de l'étranger. Bref, mes invités se régaleraient d'un festin entièrement composé d'ingrédients locaux. Après bien de la planification et de la recherche, j'avais composé un menu qui paraissait exquis :

Entrée : Poisson blanc fumé d'Owen Sound, en Ontario, sur une salade de céleri, de pommes et de laitue hydroponique nappée d'une vinaigrette de cidre.

Plat principal : Appétissants steaks de contrefilet du comté de Grey accompagnés d'un beurre roux aux tomates et de fines herbes fraîches finement hachées.

Accompagnements : La saison printanière m'a incitée à opter pour des asperges, des pommes de terre rôties, des épinards tombés et de fines croustilles d'ail d'origine locale.

Dessert : Mousse à la rhubarbe avec crème fouettée et sirop d'érable saupoudrée de biscuits concassés.

Au début, la chasse et la cueillette allaient rondement. Je me suis rendue au marché du samedi pour acheter du poisson fumé avant l'épuisement des stocks, et j'en ai profité pour me procurer des fines herbes et des asperges. Pour les steaks, rien de plus facile : je suis allée faire un tour à ma boucherie préférée. J'ai acheté les pommes de terre et les pommes à mon épicerie locale, comme je le fais pratiquement en toute saison.

Mais une fois aux fourneaux, je me suis heurtée à certains obstacles. Pour préparer mes vinaigrettes, j'utilise toujours de l'huile d'olive extra-vierge. Mais comme les oliveraies ne sont pas légion en Ontario, j'ai dû trouver une autre solution. J'ai utilisé de l'huile de canola canadienne, mais hélas pas très locale. Les tomates cerises de serre que j'ai achetées pour préparer mon beurre aux tomates étaient correctes, mais beaucoup moins rouges et parfumées que les tomates en provenance de l'Italie que j'ai dû laisser sur l'étalage. Le dessert m'a posé un problème particulier : la rhubarbe, l'ingrédient de base de ma recette, était en rupture de stock partout. À la place, j'ai été obligée de choisir entre des bleuets locaux surgelés et de superbes framboises très fraîches, mais très peu locales.

Le souper parfait à base d'aliments régionaux que j'avais planifié a nécessité, au final, certains compromis. Cela dit, je me suis rendu compte que ce n'était pas nécessairement une mauvaise chose : ma mousse aux framboises était délicieuse! Quand on veut se bâtir un portefeuille de placement à saveur locale, il y a beaucoup d'éléments à considérer. Certaines personnes privilégient en effet les stratégies de type « achetez local » ou « achetez canadien » dans la création de leur portefeuille de placement : elles préfèrent investir dans des entreprises d'ici et dans des produits qu'elles connaissent, utilisent et aiment. Or, comme quand on prépare un souper entièrement composé d'ingrédients locaux, il peut être utile de réfléchir à la signification de l'investissement local dans la composition de notre portefeuille ainsi qu'aux possibilités qui s'offrent à nous au-delà de nos frontières.

Par exemple, selon Morningstar, le marché boursier canadien représentait seulement 3 % du marché mondial à la fin de 2015. Notre marché est par ailleurs largement tributaire de l'industrie du pétrole et des minéraux, au détriment d'autres secteurs comme les sciences et la technologie. Qui plus est, les marchés mondiaux n'évoluent pas nécessairement en tandem en raison de divers facteurs régionaux, comme les événements politiques, les fluctuations monétaires et le rendement individuel des actions.

Miser sur des actifs provenant de différents pays ou investir dans des sociétés exerçant leurs activités partout dans le monde peut être une façon utile de diversifier son portefeuille. Que ce soit dans un panier d'épicerie ou un panier d'actifs, l'achat local peut avoir ses bienfaits. Cela dit, selon vos goûts et votre appétit, rien ne vous empêche d'investir dans ce que l'ensemble de la planète a de mieux à offrir.