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Tulipes disposées sur une table.

Payer une maison avec une tulipe? L’histoire du premier krach financier

Rédigé par Bonny Reichert | Publié le 16 avril 2019

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Cet épisode de l’histoire est souvent considéré comme le tout premier éclatement d’une bulle financière, ayant eu lieu bien avant d’autres plus connus, comme ceux de la Compagnie de la mer du Sud en 1720, de Wall Street en 1929, des sociétés point-coms dans les années 1990, et de la crise financière en 2008.

Alors que les Canadiens attendent avec impatience l’apparition des premières fleurs du printemps, il est de circonstance de rappeler la folie des tulipes qui a saisi la Hollande au 17e siècle.

Les tulipes arrivent sur le marché

Imaginons Amsterdam à l’aube de l’âge d’or des Pays-Bas. La nouvelle économie indépendante est en plein essor alors que les marchands hollandais importent des épices, du sucre de canne et d’autres denrées de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est pour les revendre à profit. Entre-temps, la tulipe voyage des hautes plaines de l’Asie centrale vers la Turquie, passe par Vienne, puis aboutit aux Pays-Bas, où un botaniste flamand décide de planter quelques bulbes de cette fleur exotique et découvre que la plante tolère étonnamment bien les conditions locales plus rudes. Même si le botaniste compte bien garder sa découverte secrète, la légende veut qu’une nuit, des bandits dévalisent son jardin et apportent la nouvelle fleur au marché d’Amsterdam.

Parée de ses plus belles couleurs, la tulipe devient rapidement un article de luxe très recherché, ainsi qu’un symbole de prestige. Sur le marché hollandais, la fleur est commercialisée selon sa couleur et son type, la variété la plus rare et la plus flamboyante (voir le paragraphe La tulipe en vedette) réclamant le prix le plus élevé.

Les racines du marché à terme

D’après au moins un compte rendu, les spéculateurs s’introduisent dans le marché de la tulipe dès 1634, faisant grimper davantage les prix et alimentant la frénésie croissante pour cette fleur splendide et son bulbe. En plus d’acheter et de vendre les tulipes en saison, les Hollandais créent un système permettant de négocier à la fin de la saison en prévision de la prochaine, mettant au monde ce que beaucoup désignent comme le premier marché à terme au monde.

Les données exactes sur les années 1600 étant rares, une grande partie de ce que nous savons aujourd’hui sur la tulipomanie provient du livre Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds (Délires populaires extraordinaires et la folie des foules), publié en 1841 par le journaliste écossais Charles Mackay. Mackay écrit : « Bien des gens se sont enrichis soudainement… Tout le monde s’imaginait que la passion pour les tulipes durerait éternellement, et que les riches du monde entier accourraient vers la Hollande et paieraient n’importe quel prix pour se procurer des tulipes… Nobles, citoyens, agriculteurs, mécaniciens, marins, valets de pied, servantes, et mêmes ramoneurs et chiffonnières tâtaient de ce marché. » (traduction libre)

Même si certains économistes ont par la suite traité le récit de Mackay d’exagéré, le journaliste n’est pas le seul à avoir raconté que pendant la tulipomanie, on pouvait échanger un seul bulbe contre du bétail, de la nourriture, une grande parcelle de terre, ou même une maison entière. Dans certains comptes rendus, on précise que le prix d’un seul bulbe pouvait atteindre 5 000 florins néerlandais, soit le prix d’une maison; d’autres auteurs parlent de plus de 300 florins, soit le salaire annuel moyen d’un maître artisan de l’époque.

Tout ce qui monte doit redescendre

Peu importe le montant exact, ces prix excessifs ne pouvaient pas durer. En février 1637, la bulle spéculative de la tulipe a éclaté brusquement, le prix du bulbe rejoignant celui d’un simple oignon. Certains disent que les spéculateurs échaudés ne pouvaient même plus acheter le moins cher des bulbes.

Les bulles spéculatives sont bizarres. Rétrospectivement, il paraît ridicule de songer à échanger une maison entière contre un bulbe de fleur. Malgré tout, l’histoire montre qu’il est simplement dans la nature humaine de se laisser emporter par la fièvre collective.

Ferez-vous partie des nombreux Canadiens qui fréquenteront les jardineries à l’arrivée du printemps? Amusez-vous alors à considérer vos achats selon leur valeur au 17e siècle – combien de maisons amasserez-vous dans votre panier?

 La tulipe en vedette
  • La tulipe ayant atteint le prix le plus élevé pendant la folie du 17e siècle portait le nom de Semper Augustus; cette fleur rare arborait des pétales blancs marbrés de rouge foncé. De nombreux agriculteurs hollandais ont tenté en vain de cultiver cette extraordinaire et coûteuse tulipe, mais il a fallu jusqu’au 20e siècle avant que des botanistes découvrent le virus responsable du coloris particulier de la fleur.
  • En avril et en mai, les Pays-Bas jouissent toujours d’une fameuse saison des tulipes. De nombreux voyageurs s’y pressent alors pour admirer les impressionnants champs de fleurs aux longues bandes multicolores. À Keukenhof, vanté comme étant le plus grand parc floral au monde, plus de 7 millions de bulbes fleurissent au printemps, dont 800 variétés de tulipes.
  • Le Festival canadien des tulipes, qui a lieu tous les printemps à Ottawa, commémore un don de tulipes que la couronne hollandaise a fait aux Canadiens pendant la Deuxième Guerre mondiale, à titre de symbole d’amitié.
  • Les tulipes ont normalement une seule fleur par tige, mais certaines variétés produisent jusqu’à quatre fleurs sur une seule tige. Voilà d’excellents dividendes!
  • En 2015, une association de cultivateurs hollandais a nommé une tulipe en l’honneur de Paul McCartney. La tulipe rouge « Paul McCartney » est bordée de blanc. Parmi les autres variétés portant le nom d’une célébrité, mentionnons la Vincent van Gogh, la Audrey Hepburn, ainsi que la Rambo, qui passe pour une « dure de dure » auprès des spécialistes, en raison de sa tige épaisse et robuste.

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