Comment les banques centrales façonnent-elles l’économie et vos décisions financières?
Rédigé par Owen Guo et Nicholas Mizera | Publié le 24 février 2023
Rédigé par Owen Guo et Nicholas Mizera | Publié le 24 février 2023
Les banques centrales exercent un pouvoir énorme. Elles ne sont pas des banques comme les autres. Vous ne pouvez pas y aller pour déposer votre argent. Vous n’y verrez pas de GAB de banque. Aucune réception accueillante n’est prévue pour les clients.
Les banques centrales sont en quelque sorte des robinets chargés de maintenir la bonne quantité d’argent, ni excessive, ni insuffisante, pour maintenir le dynamisme de l’économie. Vous avez probablement souvent entendu parler des banques centrales dans les actualités ces derniers temps, et pour cause. Leurs décisions peuvent influer sur votre relation avec l’argent, qu’il s’agisse des frais hypothécaires, des intérêts de votre compte d’épargne ou des rendements de vos actions.
Voici une introduction au fonctionnement interne des banques centrales et à leur incidence sur vos finances.
Les banques centrales sont surtout connues pour fixer les taux d’intérêt, qui se répercutent sur l’ensemble de l’économie et sur vos stratégies de placement. Pas plus tard qu’au début de l’année 2020, la plupart des banques centrales occidentales conservaient des taux proches de zéro, ce qui avait pour but de faciliter les emprunts.
Les dérèglements de la chaîne d'approvisionnement et une foule d’autres chocs pandémiques ont ensuite entraîné une inflation vertigineuse dans de nombreux pays développés, y compris le Canada.
La Banque du Canada a réagi en relevant les taux d’intérêt à sept reprises en 2022. Au début de 2023, elle a décrété une autre hausse modeste portant le taux de référence à 4,5 %. Selon les économistes, les fortes augmentations de taux visent à ralentir l’inflation en faisant diminuer la demande.
Pour les consommateurs, les majorations de taux ont des conséquences importantes. Selon le groupe Services économiques RBC, le remboursement des dettes des ménages canadiens, par exemple, devrait atteindre un sommet record de 16 % du revenu disponible d’ici la fin de 2023. Cela dit, une hausse des taux peut favoriser les placements à revenu fixe, comme les certificats de placement garanti (CPG).
Compte tenu des signes d’essoufflement de l’inflation, la Banque du Canada a indiqué qu’elle pourrait cesser d’augmenter les taux, en fonction des données futures sur l’inflation. « Nous avons relevé les taux rapidement. C’est maintenant le moment de faire une pause et d’évaluer si la politique monétaire est suffisamment restrictive pour ramener l’inflation à la cible de 2 % », a déclaré Tim Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, à des journalistes en janvier.
Les propos de M. Macklem mettent en évidence une tâche essentielle des banques centrales : la maîtrise de l’inflation.
Certaines banques centrales, comme la Réserve fédérale américaine, disposent d’un double mandat. Ainsi, elles visent à maintenir à la fois un taux d’emploi sain et un taux d’inflation cible. Par contre, la Banque du Canada ne se concentre que sur l’inflation et cherche à la stabiliser à 2 %, soit le milieu de la fourchette cible de 1 % à 3 %.
En cas de flambée de l’inflation, les banques centrales tentent de freiner les dépenses de consommation en augmentant les taux d’intérêt et, par conséquent, les coûts d’emprunt. Les dirigeants des banques centrales surveillent également les conditions du marché du travail. En effet, le dynamisme du marché du travail peut maintenir les pressions sur les prix, car les salaires progressent et les entreprises imposent des prix plus élevés.
En prenant des décisions relatives aux taux d’intérêt, les banques centrales espèrent un « atterrissage en douceur ». Il s’agit d’un concept économique signifiant qu’il faut ralentir l’économie sans provoquer une grave récession ni de pertes d’emplois massives. La tâche est loin d’être facile. Si l’on relève les taux de manière trop vigoureuse, l’économie risque d’entrer en récession; si on le fait trop lentement, l’inflation s’enracinera peut-être.
L’existence des banques centrales remonte à plusieurs siècles. La Suède a créé la première banque centrale du monde en 1668 : la Sveriges Riksbank. L’une des raisons de sa création réside dans la volonté des banquiers de remplacer leurs pièces de monnaie, qui étaient les plus lourdes du monde, par des billets de banque. Les banques centrales ont été établies au début pour assurer le service de la dette publique et, dans bien des cas, pour financer les efforts de guerre. Par exemple, la fondation de la Banque d’Angleterre, dont le roi et la reine étaient les actionnaires, avait pour but de financer la guerre entre la Grande-Bretagne et la France en 1694. Pendant les siècles qui ont suivi, les banques centrales se sont multipliées à mesure que les pays consolidaient leur système financier et leur monnaie.
Ce n’est qu’après la fin du siècle que les banques centrales ont commencé à promouvoir l’économie intérieure.
En plus des taux d’intérêt, les banques centrales disposent d’autres outils pour veiller à la stabilité financière et économique.
Parmi ces outils figure le coefficient de réserves obligatoires, qui détermine le montant que les banques commerciales peuvent prêter aux clients. Quand le coefficient diminue, les institutions financières peuvent prêter davantage, ce qui peut stimuler la croissance économique. Les banques centrales peuvent aussi acheter des titres sur le marché libre (en général des obligations d’État à long terme) pour accroître le volume des liquidités dans l’économie. La manœuvre s’appelle l’assouplissement quantitatif, qui est une politique monétaire assez récente.
Selon les économistes, dans la dernière décennie, une ère de « politique monétaire souple » a en partie alimenté une expansion économique ayant enrichi les sociétés et les consommateurs. Lorsque le crédit est abondant, les sociétés ont tendance à accroître l’embauche et la production. Les marchés boursiers s’en trouvent également renforcés et le prix des actifs grimpe.
Les répercussions de la politique monétaire ne se limitent pas aux résultats des entreprises et aux portefeuilles des particuliers. Les banques centrales elles-mêmes peuvent aussi subir la pression de la hausse des taux d’intérêt. En effet, leur bilan contient des actifs (ex. : revenus d’achat des obligations et placements) et des passifs (ex. : coût du paiement des intérêts sur les dépôts provenant des institutions financières du pays).
Habituellement, les actifs d’une banque centrale sont supérieurs à ses passifs et les bénéfices sont distribués au gouvernement. Cependant, si les taux d’intérêt augmentent, il en va de même pour la somme qu’une banque centrale doit à ses créanciers. Quand le montant de cette colonne dépasse celui des actifs, la banque peut commencer à perdre de l’argent.
En 2022, la Banque du Canada a enregistré pour la première fois une perte dans ses 87 ans d’histoire, soit 522 millions de dollars au troisième trimestre.
Les changements législatifs apportés au début de 2023 ont permis à la Banque du Canada de conserver ses gains pour couvrir les pertes. « Une fois que les fonds propres sont positifs, nous reprenons les versements normaux au gouvernement du Canada », a déclaré le gouverneur de la BdC, Tiff Macklem, à propos de ces changements.
Toutefois, n’oubliez pas que les banques centrales ne sont pas des banques ordinaires. Au Canada, les dirigeants de la banque centrale ont précisé qu’ils n’avaient pas pour objectif de maximiser les revenus et que les pertes n’entraveraient pas la capacité de la banque à mener la politique monétaire.
Néanmoins, pour les investisseurs, il importe de comprendre que les décisions prises par les banques centrales peuvent avoir des conséquences sur leur pouvoir d’achat, leurs perspectives d’emploi et leur bien-être financier.
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