L'art et le plaisir d'épargner

Devez-vous prendre une grande respiration avant d'oser regarder vos relevés mensuels de cartes de crédit? Êtes-vous fréquemment surpris par la vitesse à laquelle s'y additionnent des achats inutiles dont vous vous souvenez à peine?

Si oui, vous auriez probablement intérêt à réévaluer certaines attitudes. Beaucoup de gens voient l'épargne comme une sorte de sacrifice peu compatible avec un mode de vie dans lequel le plaisir et la spontanéité ont leur place. Ils ne réalisent pas que lorsqu'on épargne pour les bonnes raisons (comme l'atteinte d'objectifs personnels qui nous tiennent à cœur), on peut en retirer — non, l'expression n'est pas trop forte — un immense plaisir! On devient le directeur général de ses finances, avec le pouvoir d'affecter ses ressources financières de façon à générer un rendement maximal.

Il existe une foule d'applis pour téléphone intelligent qui nous promettent de nous aider à mieux gérer notre argent. Elles suivent nos dépenses et notre valeur nette, nous aident à freiner en cas d'excès; certaines peuvent même nous aider à faire nos listes d'épicerie pour limiter nos frais de restaurant. Toutefois, aussi utiles qu'elles soient en théorie, ces applis ne nous expliquent pas pourquoi nous dépensons comme nous le faisons. Or, pour que l'épargne cesse d'être une corvée et devienne un plaisir, nous devons absolument comprendre les facteurs psychologiques qui influent sur notre utilisation de l'argent.

Épargnez de bon cœur

Une façon de faire échec aux mauvaises habitudes en matière d'investissement est d'épargner avec le cœur plutôt qu'avec la raison. En effet, comme l'ont démontré certaines études — et même si cela peut sembler paradoxal —, en matière d'épargne, le cœur l'emporte sur la raison. Au cours d'une étude britannique portant sur les motivations à épargner, on a demandé aux participants d'indiquer les buts pour lesquels on serait censé épargner. Les principaux buts cités ont été la retraite, le soutien des enfants et l'achat ou la rénovation d'une maison. Dans ces réponses, c'est la raison qui s'exprime. Or les chercheurs ont constaté un écart par rapport aux comportements réels des participants. Ils ont noté que ce qui amène les gens à épargner, c'est un objectif comportant une forte dimension affective, par exemple le désir d'aider un parent âgé ou d'avoir des enfants.

Cela signifie que vous épargnerez plus facilement — et davantage — si vous vous fixez des objectifs précis comportant un élément affectif important. Par exemple, si vous désirez rénover votre maison, faites-vous une image mentale de votre nouvelle cuisine ou de votre nouveau jardin, et imaginez ce que vous y ferez. Ou encore, visualisez les multiples activités intéressantes auxquelles vous vous adonnerez à la retraite si, d'ici là, vous faites l'effort financier nécessaire. C'est en imaginant des détails que vous créez un lien affectif avec vos objectifs rationnels, et ce lien vous aide à garder le cap.

Voyez loin

On nous encourage souvent à « vivre dans le présent ». Bien que très utile pour nous aider à profiter de la vie, ce conseil est peu pratique lorsqu'il est question de notre situation financière. En somme, l'impulsivité et l'épargne ne font pas bon ménage. Et comme l'ont démontré plusieurs études, l'une des meilleures façons de résister aux tentations de dépenser est de rester centré sur ses objectifs à long terme. Indépendamment de leur degré de littératie financière, les gens qui parviennent à « voir loin » ont tendance à mieux gérer leur situation financière.

Cela dit, les incitations à dépenser de façon inconsidérée sont omniprésentes — et renforcées par le fait que le commerce électronique, les cartes de crédit et les applis pour téléphone intelligent offrent au consommateur à la fois commodité et simplicité du suivi des dépenses. Dans ce contexte, une bonne façon de garder sa vigilance est de payer comptant de temps à autre. Ce truc n'a rien de nouveau, mais il est extrêmement efficace pour nous indiquer précisément ce que nous faisons de notre argent. Une autre bonne façon de se faciliter les choses est de se fixer des objectifs SMART (spécifiques, mesurables, appropriés, réalistes et temporels), ainsi que d'utiliser notre outil d'établissement des objectifs.

Comprendre nos attitudes à l'égard de l'argent

Il reste à mettre en place la dernière pièce du casse-tête : nos « croyances » relatives à l'argent. Ces croyances n'ont rien à voir avec notre degré de littératie financière, ni avec l'établissement de nos objectifs ni avec notre impulsivité, mais elles peuvent influer fortement sur notre façon de gérer les aspects financiers de notre vie. Elles constituent en quelque sorte nos « scénarios personnels » concernant l'argent. Hérités dans une large mesure de nos parents, ces scénarios nous influencent à l'âge adulte sans que nous en ayons conscience, et ils peuvent contrecarrer nos meilleurs plans. Parmi les éléments particulièrement nuisibles qu'ils peuvent comporter, mentionnons une attitude d'évitement ou de vénération à l'égard de l'argent, ainsi qu'un comportement de recherche de statut. Une personne influencée par une attitude d'évitement aura tendance à considérer l'argent comme quelque chose de mauvais; à l'inverse, quelqu'un qui vénère l'argent y verra la solution à tous les problèmes. Enfin, si vous êtes du genre à vous procurer immédiatement chaque nouveau gadget, vous faites peut-être partie des gens engagés dans la course au statut.

C'est en reconnaissant et en comprenant nos attitudes à l'égard de l'argent que nous pouvons les modifier afin de les rendre plus constructives. La lecture de notre article « Six étapes pour investir » pourrait vous aider à mieux comprendre votre style.

En définitive, faire de l'épargne un plaisir, c'est une victoire de l'esprit sur la matière.